13.8.06

Les Raisins De La Colère


« Colère »

n.f. (bin tiens ^^) du latin choléra, du grec kholé, la bile. Etat violent et passager résultant du sentiment d’avoir été agressé ou offensé.


En fait, j’en suis venu à tapoter quelques mots sur le sujet après un petit coup de sang assez anodin, bris de plastique sur surface boisée, duquel avait germé l’ébauche d’une nouvelle pierre à l’édifice entoilé qu’est ce lieu. Après un coup d’œil conséquent dans le Petit Larousse, je trouvais cette définition dictionnariale quelque peu restrictive : outre l’émotion, que nous avions tous un jour plus ou moins éprouvé, pouvait-on réellement limiter son éclosion à une simple sensation d’atteinte de soi ? Ne semblait-il pas qu’en étaient écartés d’autres paramètres propices à l’éclat, et tout aussi important que sa personne propre ?


Bien entendu, le propos du célèbre dictionnaire n’est pas de digresser sur le sujet, mais je fus surpris d’en voir si peu écrit sur le sujet. Ayant comme tout à chacun déjà éprouvé l’envie de fracasser la tête d’un individu (fusse-t-il moi-même) suite à un accès de colère, j’ai rebroussé les manches de mes p’tites cellules grises (fort heureusement chaque jour un peu plus en nombre décroissant ^^) et me suis demandé… "Suis-je moi-même coléreux… et qu’est-ce qui, chez moi, peut déclencher de telles émotions ?"


Après réflexion, la réponse à la première question est négative… Bien entendu, je me laisse parfois aller à l’emportement, mais suis plus prompt à pousser une gueulante contre moi-même, une série de données informatiques qui fait rien qu’à me faire perdre, ou un morceau de bois qui blesse mon poing qui l’assaille (l’outrecuidance de ces objets, parfois -___-), qu’à l’encontre d’un individu réel. Cette colère expansive, envahissante, n’est d’ailleurs souvent que passagère, et peu liée à ma vie propre ou à mes convictions : que cela soit pour un jeu, un reportage télé choquant, une histoire édifiante, ou un récit consternant de connerie, ce ne sont que broutilles dans mon existence, mais faits incontournables dans l’instant. Très vite alors, l’émotion peut me submerger, que cela soit en paroles, pleurs, cris ou même projections et sauts divers et variés (en témoigne mon impressionnant tableau de chasse de manettes de jeu n’ayant su résister à mes souhaits contrariés, et dont on retrouve parfois quelques bris sous les meubles, au gré des saisons ^^; ) : cette petite boule au fond de la gorge ou au creux de l’estomac, que l’on sent grandir à mesure que se traitent les nouvelles informations, et qui peu à peu provoque une tension palpable, doit alors être expulsée, sous une forme physique, tangible, afin d’être soulagée, et "cherry on zi cake", plus vite oubliée. Le plus ironique demeurant que les conséquences de ma colère ne viennent en fait la renforcer par la bêtise infinie d’avoir cédé à la tentation d’un courroux trop facile, et transformé ce qui n’était qu’une futilité en résultat plus sérieux. On se moque sur l’instant des retombées, seule comptant l’ivresse d’une ire assouvie… même si ce n’est que pour la reprendre quelque jour plus tard.


A l’inverse, lorsque l’atteinte sera plus personnelle, touchant à moi-même, à mes idées, à mon couple, ou autre sujet intimement lié à mon être, la réaction se fera tout autre. Le paroxysme sera généralement beaucoup plus long à atteindre, le ressentiment plus secret : on ne veut blesser inutilement ce qui vous est cher, et c’n’est pas sur l’immédiateté que ce type d’emportement se bâtit. Le scorpion grappille petit à petit ses cailloux pour en faire sa tanière, patient : et sa mémoire n’est pas si désastreuse qu’elle pourrait y paraître !^^ La froideur, tout un mûrissement complexe pesant pour et contre, précède alors la violence. L’explosion se fait d’avantage mentale et réfléchie : les retombées en sont verbes insidieux ou guerriers, silences dédaigneux ou blessants, masques fermés ou ironiques, tout un arsenal de fureur pouvant effrayer ou tuer le présomptueux agresseur, individu ou idée, une fois pour toute. C’est d’ailleurs assez étrange d’écrire sur ce thème… de tenter de démêler cet écheveau de sentiments orageux, bien souvent tempérés par le pardon, la lâcheté, ou la mansuétude dont on fait communément preuve envers tout ce qui est important ou sensible à nos yeux, notre esprit ou notre palpitant.


Quant à mes motifs de colère, ils sont aussi divers que variés, mais je dois bien avouer que ces dernières années, la palme revient tout de même aux jeux vidéo… joués en solitaire, tant il est vrai qu’à plusieurs, même si je n’aime pas perdre, j’essaie de toujours rester droit : la machine ne pouvant me répondre, et ne pouvant être touchée par mes mots, et surtout mes actions, la mauvaise foi est alors plus aisée, et l’exutoire tout trouvé. ;-p. Suit de près ma débilité profonde de céder à de si inutiles et excessifs, mais ô combien apaisants sur l’instant, excès d’humeur : je ne compte plus désormais les victimes de ces petites galettes chargées d’octets, entre les dizaines de manettes, le mobilier qui les recevait, et deux magnétoscopes, synonymes d’autant de brouzoufs jetés par les fenêtres… Ces deux-là doivent d’ailleurs être mes seules extériorisations physiques dans le domaine.


Depuis quelques temps aussi, une certaine maladresse m’étreint, frappant surtout et malheureusement les biens du Kat’ : la culpabilité l’emporte alors bien vite sur le courroux, tout comme l’inquiétude de constater que les chiens ne font, dans une certaine mesure, pas des chats (il me faudrait bien dix vies pour espérer un jour rejoindre ma mère en la matière ^^).
Ajoutez à cela, certains reportages ou fictions touchant à mes idéaux, à mes "croyances", et remuant suffisamment ma vieille carapace chitineuse pour que le cœur qui s’y cache bien à l’abri soit conséquemment affecté, le sport aussi, vecteur par excellence d’émotions, et qui peut me déclencher de belles envolées verbales lorsque celui-ci prend un cours "étrange" perçu depuis le confort moelleux du canapé, et vous aurez une liste assez exhaustive des petits emportements me secouant parfois.


Mais toutes ces peccadilles n’ont pas vraiment d’importance sur mes acrimonies desquelles naissent, quelquefois, mes pires rancœurs. La mauvaise foi évidente ou l’incompréhension de mon entourage ou de mes interlocuteurs, l’injustice envers moi-même ou mes (très) proches, tout ce qui, dans un échange voulu sérieux, relèverait du manque de respect même le plus ténu envers l’intellect le moins développé, font partie des tisons qui peuvent marquer mon calme au fer rouge, et par conséquent mettre le feu aux poudres, même si la mèche est parfois longue, suffisamment pour que les mots qui heurtent alors soient choisis. Je sais alors que cette colère, toute glaciale et volcanique, à la fin, sera parfois mauvaise conseillère, mais il est des passions que l’on ne sait taire, fusse en dépit du bon sens… au risque de se corrompre soi-même, et d’ainsi faire naître une colère bien plus sourde encore. Toutefois, afin que l’amertume soit le moins souvent possible le mot de la fin, je garde désormais toujours à l’esprit ce petit adage récemment découvert… une bonne conclusion. ^^


"La rancune est à la colère ce que le vinaigre est au vin."