14.1.07

A Double Tranchant


« Comique ou Symphonique ? »

Les deux mon Colonel.

Une fois n’est pas coutume dans la jeune vie de ce blog, je m’en vais gribouiller sur un thème frivolement sérieux, à même d’estourbir gaiment ma morosité actuelle, et de faire partager un bon moment à vos zygomatiques.

Je suis un gros mangeur de bons mots, un gourmand de la tournure drolatique (sans ^ sur le o), un gastronome attentif d’ironies humoristiques, et donc, un amateur de spectacles comiques z’en tous genres. Du clownesque engagé d’un défunt Coluche au burlesque lourdingue assumé d’un Jango Edwards, ou du polémiquement incorrect d’un Dieudo au cordeau impeccablement tiré d’un regretté (décidemment) Desprosges, j’ingurgite depuis ma plus tendre enfance des kilomètres de textes à même de faire durcir ma commissure labiale, qu’ils soient d’images, de sons ou de lignes z’avalés.
A contrario, et quoique qu’appréciant aussi bon nombre de styles musicaux, j’avoue une quasi ingénuité en ce qui concerne l’univers des harmonies classiques. Ainsi, Mozart, Beethoven, Chopin, Hayden ou Bach me sont plus des noms de compositeurs célèbres à placer sur des titres de films ou des grilles de mots croisés (et encore…) que l’évocation de mélodies intemporelles et enchanteresses captées au hasard de mes errances radiophoniques ou télévisuelles.

Aussi, lorsqu’il y a quelques mois, j’eu vent d’un spectacle du trublion Marc Jolivet, monté avec la complicité d’un certain Philippe Fournier, chef de l'Orchestre Symphonique de Lyon, j’admets n’avoir pas eu la curiosité suffisante à voir quel résultat pouvait produire tel mélange de genres, visiblement éloignés l’un de l’autre. L’Ultima Récital avait pourtant déjà marché sur ce type de plates-bandes, avec bonheur même, mais je ne pouvais décemment pas comparer l’humour baroque, truculent et costumé du duo "Ulrika" James et "Yvonne" Cadier, à celui plus politisé et verbal d’un Jolivet digicodé, et je ne voyais pas où pouvait mener ce mélange entre actualité et classicisme musical. Cette impression annoncée d’une émulsion ratée me fit donc rebrousser chemin… Et n’eut été la diffusion de ce spectacle durant les Fêtes, j’aurai à court sûr conservé cette idée aussi sotte que grenue.


Comic Symphonic donc, est un réel moment de jubilation, alternant les textes de l’humoriste, et le coup de baguette du chef, les deux agissant au diapason… d’un orchestre habité par son rôle ! Car ici, le musicien peut se faire acteur, et l’acteur… musicien… enfin un peu (si tant est que le mégaphone soit un instrument, ce dont le frère de Pierre semble persuadé ! ^^). Ils alternent donc avec bonheur une 7ème de Beethoven avec l’apparition du clown "Paillasse", mélangent des tuiles attendues et la Merrie Melodies de Carl Stalling, retournent leurs vestes de cabotins afin de goûter la saveur du métier de l’autre… et cela fonctionne : l’alternance de genres, puis son mariage, offrent une réelle cohérence à l’esprit du spectateur. Car force est de constater que les textes y trouvent un renfort de poids, une émotion accrue du sens par la puissance de l’air : le décalage entre le sérieux de ces compositions, dont le néophyte que je suis avait oublié qu’à l’origine elles étaient divertissement, et l’enlevé de mots légers est détonnant. L’archiconnu même s’y ressource au fil d’une partition limpide et bien menée, la pertinence entre le beau mot et la note juste. Jolivet, comme à son habitude, trouve encore le moyen d’y glisser quelques instants poétiques, de ceux dont je ne raffole guère. Mais le plaisir dégagé sur scène ne fait qu’accroître le liant, me transportant bien loin de mes à-priori premiers : l’exercice inhabituel de tous ces duettistes taquine l’exultation, qui d’utiliser inadéquatement son instrument, qui de diriger une formation de quarante musiciens, qui de jouer la comédie et de ne plus tourner le dos au public, qui, enfin, de sortir des sentiers battus et de franchir les feux de la rampe…

Au final, le spectacle passe comme un souffle, entraînant rires et pas de danse dans un même élan. Très écrit, sans temps morts (excepté l’épisode poétique sur notre mère la Terre ^^;), Marc Jolivet ne déroge à son habitude de soliste que par cette association avec une troupe de talents, pour aboutir à un résultat d’une grande finesse. On ne sait d’ailleurs à quel point le travail de l’un aura rejailli sur celui de l’autre, mais l’ensemble forme une seule individualité, de celle dont je garde l’un de mes plus beaux souvenirs humoristiques. "Une véritable symphonie en rire majeur" comme le titrait nombre de professionnels… un spectacle à voir vivement conseillé !

3 commentaires:

  1. Si je connaissais seulement le sujet, si je n'étais pas minée, quelque part, par l'aisance avec laquelle tu jongles avec les mots, je pourrais peut-être écrire un commentaire décent... "Peut-être". ^_______^


    Bises, M. l'virtuose !

    Ry, bah voui, tout de même...Je ne voudrais pas que tu t'arrêtes, faute de retour, alors que je ne sais pas tourner mes phrases pour te complimenter comme je le devrais !

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  2. Merci de cette épatante critique qui memontre le chemin qu'il me rste à parcourir dans mes propres bafouillages mais au moins dans mes délires de soirées de théâtre et films incompréhensibles, je me sens moins seule :)

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  3. Bin, j'ai point trop de mérite étant donné que j'ai bien du passer 4 heures sur ce pov'tit texte.

    Par contre, Constance, si ce spectacle t'intéresse réellement, tu peux aller ici...

    http://www.comicsymphonic.com/

    Apparemment, le couvert va être remis pour quelques dates.

    Je le répète, à voir, et à entendre ! ^^

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